Journée Mondiale des Abeilles

    L’ITSAP-Institut de l’abeille a développé une méthode qui mesure l’impact des pesticides non pas par toxicité directe chez les abeilles domestiques mais en perturbant leur orientation et leur capacité à retrouver la ruche. Pour valider cette méthode, un test circulaire entre 11 laboratoires européens a été mené. Ce test réalisé dans 5 pays et durant 6 années, a mesuré le retour à la ruche de 15 810 butineuses marquées avec des micropuces RFID. Un document guide décrivant la méthodologie vient d’être accepté à l’OCDE. Dorénavant, l’impact des faibles doses peut être considéré officiellement avant la mise sur le marché des pesticides.

    L’acquisition de données toxicologiques sur l’abeille domestique est une exigence avant l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des pesticides. Les doses du pesticide qui conduisent à la mort des individus (doses létales) sont alors établies chez l’abeille. Pour cela, doivent être utilisées des méthodes standardisées décrites dans des documents officiels de l’OCDE.

    Malgré ce cadre réglementaire, l’impact des pesticides homologués fait l’objet d’incessants débats et controverses. Cela fût le cas durant les vingt dernières années avec les néonicotinoïdes, durant lesquelles les apiculteurs ont accusé les traces de néonicotinoïdes retrouvées dans les fleurs de provoquer la désorientation des butineuses et des dépopulations de ruches. Les études scientifiques sur ces insecticides ont confirmé qu’une exposition à une dose faible et inférieure à la dose létale d’une molécule peut entraîner une disparition des abeilles par leur non-retour à la ruche.

    Jusqu’à présent aucune méthodologie reconnue officiellement ne permettait de mesurer de tels effets. Si des études spécifiques pouvaient être demandées par les instances des pays avant l’AMM d’un pesticide, une standardisation et une validation officielle de la méthode demeuraient nécessaires. Le défi était de trouver le protocole qui permet de rendre répétable les résultats malgré les conditions naturelles dans lesquelles le comportement de retour à la ruche des butineuses est mesuré.

    Des micropuces pour mesurer les effets des pesticides

    La méthode innovante consiste à coller une micropuce RFID (Radio Frequency Identification) sur le thorax de chaque abeille, ce qui permet d’enregistrer individuellement son retour à la ruche grâce à une série de capteurs électroniques. Lors d’un essai, la moitié des individus est nourrie avec une solution sucrée contenant une dose faible de pesticide, et l’autre moitié, le groupe témoin, reçoit une solution sucrée sans insecticide. L’ensemble des butineuses est ensuite relâché à 1 kilomètre de leur ruche, une distance de butinage habituelle chez l’abeille domestique. En comparant les proportions de retours à la ruche des deux groupes d’abeilles, le taux de disparition imputable à l’ingestion du pesticide testé est mesuré.

    Standardisation de la méthode : la persévérance a parlé !

    L’ITSAP-Institut de l’abeille a coordonné, avec l’appui scientifique de INRAE, un consortium de 11 laboratoires qui ont répété durant 41 fois la méthode de 2014 à 2019. Cette étape appelée « test circulaire », obligatoire pour la standardisation d’une méthode, a permis de définir le protocole qui assure la répétabilité des résultats quel que soit les expérimentateurs, le lieu, la météo ou la génétique des abeilles.

    Les facteurs de variabilité des effets de l’insecticide néonicotinoïde pris comme référence, le thiaméthoxam, ont été analysés. Les effets du produit sur le non-retour à la ruche des butineuses ont été aggravés lorsque les doses ont été augmentées ou lorsque l’infestation des colonies par le parasite Varroa a été forte.

    Les critères de validité d’un test ont été déterminés pour garantir que les effets mesurés soient bien dus au pesticide testé et non à une mauvaise santé des abeilles. Nous avons atteint 75 % de tests valides en 2019 montrant l’aboutissement méthodologique de la méthode.

    Après la soumission de la méthode à l’OCDE, sa validation est l’accomplissement d’une vaste consultation des experts, avec un retour de 16 pays ou organisations membres de l’OCDE, et la réponse une à une à près de 550 commentaires. La méthode a ainsi été adoptée sous forme de document guide lors de la 33ème réunion des Coordinateurs Nationaux du Programme des Lignes Directrices de l’OCDE qui s’est tenu du 20 au 23 avril 2021.

     

    Contacts : Julie.Fourrier@itsap.asso.fr, Axel.Decourtye@itsap.asso.fr